L'histoire de la Sape commence dès le retour au pays des anciens combattants congolais. Paris s'inscrit comme capitale de la mode au coeur d'une société où l'art du paraître compte plus que tout. Imitation du colon ? Non, car le phénomène prend son essor après les indépendances. Du côté de l'ex-Congo belge, il pourrait correspondre au rejet du mot d'ordre du général Mobutu : en quête d'"authenticité", pour épingler le costume-cravate occidental, le président du Zaïre prône l'"abacos", abréviation de "à bas le costume !" C'est à Paris qu'on ira s'approprier les symboles de l'élégance. La Sape ouvre son Q. G. aux alentours de la Maison des étudiants congolais, près de la place de la République.
"En aventurier, on va au pays du Blanc acquérir des objets, notamment des vêtements de luxe", explique Brice Ahounou, anthropologue nommé "expert ès sapes" pour le musée Dapper. De retour, celui qui a pu réunir sa "gamme" (cf. lexique) est acclamé, porté aux nues et cité dans les chansons mythiques du grand gourou de la Sape, Papa Wemba : "L'examen, c'est à Paris, mais la proclamation se fait au pays." Suivant les mouvements de migrations, la Sape connaît son apogée dans les années 80, les sapeurs parisiens remontant vers Strasbourg-Saint-Denis, puis Château-Rouge. Au coeur de ce quartier africain, le surnommé Bachelor ouvre, en 2005, une boutique de vêtements aux couleurs pétantes spécialement conçus pour sa clientèle africaine. On trouve aussi chez lui les fameux DVD où les sapeurs, d'un continent à l'autre, s'échangent les nouvelles de la mode.
Dernier épisode ? Une guerre féroce entre sapeurs et "sapologues". Ou plus exactement "sapelogues", selon le restaurateur Ben Mukasha, qui invente le terme au début des années 2000, dans le but, dit-il, de "revigorer le mouvement de la sape et redonner du rêve à une jeunesse congolaise meurtrie par la guerre civile. La sapelogie, science de la sape, dépasse l'art de s'habiller". La sape comme catharsis ?
Aujourd'hui, les sapeurs réservent leurs défilés aux fêtes associatives et privées, mariages, baptêmes, funérailles. Pour Brice Ahounou, qui s'en expliquera lors d'un Week-End de la Sape au musée Dapper, ce culte du vêtement pourrait receler une dimension religieuse : "Le phénomène dépasse la mode. Les sapeurs ne sont pas dans la tradition, mais la reportent dans leur attitude face aux objets qui deviennent des fétiches modernes, et font qu'ils ne sont jamais seuls." Question joker : existe-t-il des sapeuses ? Oui. Mais le nom n'est pas encore déposé...NDLR le point
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